William descendait les marches deux par deux. Il venait de rater le cours d'histoire de monsieur Johnson pour passer du temps avec Jeff Carter. Ce moment avait été très agréable mais maintenant Will, en bon élève qu'il était habituellement devait aller voir le surveillant général pour lui demander s'il était possible de rattraper le cours qu'il avait manqué.

En vérité, c'était la première fois depuis un an d'étude à Winchester que le blondinet allait mettre les pieds dans le bureau du surveillant général. D'habitude lui, si ponctuel en cours, si volontaire, si ambitieux n'avait jamais eut à défier l'autorité, et en vérité ce nouveau Drapeau lui faisait peur. Il n'avait pas aimé sa façon de les regarder le premier soir, et le jeune homme se félicita intérieurement d'avoir des adultes comme madame Smith ou monsieur Johnson qui étaient les seuls enseignants du pensionnat à montrer un peu d'humanité. De plus William était là de son plein grès... alors si ses parents apprenaient qu'il avait séché une heure de cours, ils le rappelleraient auprès d'eux et William entreraient dans le centre de chirurgie dans lequel avait étudié son père, son rêve depuis toujours.

L'adolescent était à présent devant le bureau du surveillant général. Il toqua deux petits coups et attendit quelques instants. Enfin, au bout de quelques secondes qui parurent très longs, la voix douce et mélodieuse de Drapeau ordonna d'entrer. William, dans ses petits souliers poussa la porte et la referma. Il faisait à présent face à Drapeau, installé à son bureau.

- Monsieur le Surveillant Général, je viens vous voir parce que j'ai... eu... raté le cours d'histoire. Je ne me sentais pas bien et Sir Horace m'a autorisé à aller me reposer un peu. Je devais aller en cours d'histoire mais je... me suis assoupi... et je n'ai pas vu l'heure...

Il sentait son peu de confiance fondre à vue d'œil.

- Je voudrais savoir s'il était possible de rattraper le cours... monsieur...

Il ne rajouta pas un mot et se contenta de rester debout, en attendant une réaction du surveillant général.

William ne savait plus où se mettre. Heureusement le surveillant général ordonna au blondinet de s'asseoir. Celui-ci s'exécuta, profondément mal à l'aise. Il posa ses bras sur les accoudoirs et essaya de se ratatiner le plus possible dans son fauteuil. Que drapeau pouvait paraitre menaçant vu de près.

Je comprend. Je comprend qu'un élève ayant d'aussi bons résultats que vous se sente au dessus des autres. Cependant monsieur Marshall, je pensais qu'en deux ans vous auriez compris la politique de l'établissement. Nous ne tolérons ce genre de chose ... surtout venant de la part d'un élève qui a le potentiel pour obtenir ses examens avec une mention très bien. Si encore, vous etiez un cancre comme ce Carter ... tiens en parlant de lui ...

William ne s'était jamais senti supérieur, en aucune façon. Pour lui étudier dans ce pensionnat était un honneur, et il savait parfaitement qu'il avait mérité sa place. Cependant il ne répondit rien au surveillant général. Ses mains, à présent moites se crispaient de temps à autre pour chasser le stress qui s'accumulait.

Soudain le surveillant vint à parler de Jeff. Une lueur terrifiée passa dans les yeux de William. Qu'il s'en prenne à Will encore ça passait, mais qu'il parle du rebelle si craquant, ça l'adolescent n'allait pas le supporter. Finalement il aurait mieux fait de rester dans le dortoir, près de Jeff, à passer encore plusieurs longues minutes sous le lit. Avec un peu de chance, ils auraient peut-être fait d'importantes découvertes. Mais à cet instant présent, la voix de drapeau sonnait comme une menace.

Qu'est ce que vous etiez en train de mijoter? Ou etiez vous? Ou est il?

- Je n'en sais rien, je vous le promets... je... je ne fréquente pas ce genre d'élèves...

Il tenta de faire bonne figure malgré la peur qui le rongeait intérieurement. Peut-être que s'il était allé directement voir le professeur d'histoire et de géographie, cela ce serait arrangé à l'amiable. Mais au plus les minutes passaient, au plus Will avait l'impression que les choses n'allaient pas s'arranger.

Bien evidement ... il serait dommage, que je vienne ternir un si beau dossier qu'est le votre monsieur Marshall. Vous avez encore la possibilité que je passe par dessus tout ca, par dessus votre petite folie de vous croire meilleur que l'autorité de cet etablissement en sechant les cours ... mais il va s'en dire que si je met mon grain de sel dans votre dossier, Sir Horace Whale pourrait voir son estime envers vous ... chutter.

William eut un geste de la main.

- Non pas mon dossier, vous n'avez pas le droit ! Je n'ai rien fais !

Il mit alors sa tête dans ses mains.

William continua à cacher ses yeux dans ses mains.

- Je ne ment pas... je... je... j'étais malade et je me suis endormi, vous pouvez demander à Sir Horace. Lorsque je me suis réveillé le cours d'histoire était terminé et je suis immédiatement venu vous prévenir, je n'ai pas vu Jeff Carter.

Vous savez, on vous a vu entrer dans votre dortoire, suivi de quelques minutes par Jeff Carter, donc vous me prenez vraiment pour un idiot lorsque vous me dites que vous ne savez pas, que vous ne frequentez pas ce genre d'élève, mais aussi lorsque vous jurez. Sir Horace Whale sera bien evidement décu.

Soudain William blêmit. Il leva le regard en direction de don qui avait reprit sa cigarette. Dégouté que celui-ci ait pu le toucher de ses doigts jaunis par le tabac l'adolescent respira profondément. De toute évidence ça ne servait à rien de cacher plus longtemps la vérité. Il avait affirmé ne pas avoir vu Jeff alors que quelqu'un les avait vu entrer tous les deux, à quelques minutes d'intervalle dans le dortoir des garçons. Une issue était-elle encore possible ? L'adolescent en doutait. A cet instant, il aurait tellement voulu que Jeff soit à ses côtés pour le réconforter. Il se sentait si seul et si impuissant face à cet homme tyrannique.

Quant a moi, je vais vous infliger une punition exemplaire monsieur Marshall. Vous allez regretter amèrement de me prendre pour un abruti. J'ose esperer que vous saurez trouver les bons mots pour ne pas que je finisse mon rapport

William observa avec terreur la pointe du stylo qui tomba sur le papier.

- Non arrêtez ! J'avoue...

L'adolescent versa alors quelques larmes en observant le bout de ses chaussures. Il était en train de se dégouter profondément.

- Nous avons passé l'heure ensemble. Nous... Je l'ai aidé au devoir de mathématiques qu'il ne comprenait pas... J'ai... j'ai volontairement séché le cours de monsieur Johnson pour pouvoir l'aider... Il n'a rien à voir là-dedans, c'est moi qui l'ai forcé à rester... C'est moi qui dois être puni, pas lui... il n'a rien fait, je vous en prie.

Continuant à verser silencieusement quelques larmes il attendit avec une peur intérieure la suite des évènements. Et s'il était renvoyé du pensionnat ? Que dirait son père ? Et sa mère ? Madame Marshall s'était battue pour que son mari accepte de mettre son fils adoré dans un tel endroit. C'était toute l'honneur de la famille qui se jouait en cet instant.

William se décomposait à chaque mot écrit par le surveillant général qui n'avait rien comprit de toute évidence, ou qui faisait exprès de ne pas comprendre. L'ère Rousseau était finit, et le blondinet sentait déjà qu'il allait préférer monsieur Asleigh à cet individu qui viendrait les réveiller chaque matin, les accompagner à la douche et tout le reste. Lorsqu'il eut terminé il se leva et le toucha encore une fois avec ses mains sales.

Il faut savoir un truc monsieur Marshall, c'est que je déteste les mensonges et je sais, que vous me mentez. Vous savez que j'ai raison. Tout ceci apparaitra dans votre dossier. Bien evidement, vos punitions seront mises en évidence devant tout l'établissement.

William ne put supporter le contact visuel avec le regard du surveillant général. Il n'avait de toute façon plus rien à rajouter. Il pensait d'ailleurs que tout était terminé lorsque cette brute expliqua qu'il avait oublié quelque chose. L'adolescent ne s'était d'ailleurs pas attendu à une telle attitude et reçut un coup de poing au dessus de l'arcade sourcilière qui explosa dans une giclée de sang.

Sous le coup, l'adolescent qui n'était pas bien épais tomba de sa chaise et atterrit sur le sol du bureau, sous le choc.

- Je...

Il observa le surveillant général, complètement terrifié par une telle violence. Jamais il n'avait vu un tel homme dans un pensionnat pour adolescent. Il savait à présent ce qu'il avait à faire... et il allait le faire. Peu importe quelles retombées aurait son acte, c'était un Marshall.

Ne voulant d'ailleurs rien demandé au surveillant général il posa sa main sur son arcade qui saignait et se releva en grimaçant.

- Je... je peux m'en aller maintenant monsieur ?

Il attendit une réponse de la part de l'homme.